Extrait de l'article "Un autre Luxemburgisme est possible : réflexions sur Rosa et le projet socialiste radical" (traduit de l'anglais par Critique Sociale) :
1) confiance constante dans la démocratie ;
2) complète confiance au peuple (les masses) ;
3) dévouement à l’internationalisme dans la théorie et dans les actes ;
4) engagement pour un parti révolutionnaire démocratique ;
5) pratique inébranlable de l’humanisme.
Il y a, évidemment, bien d’autres domaines de sa pensée qui contiennent des pistes essentielles pour ceux qui veulent s’inspirer d’elle au vingt-et-unième siècle. Pour des raisons de temps, je me limiterai aux cinq points mentionnés ci-dessus.
Démocratie est un mot qui est souvent galvaudé dans le monde d’aujourd’hui, trop souvent par ceux qui en fait ne s’intéressent pas à la démocratie pour la masse de l’humanité. Luxemburg a rejeté la tradition bourgeoise de la notion de démocratie : une foule passive choisissant entre différentes élites, parmi une offre limitée. Pour elle, la démocratie, la vraie démocratie, était un engagement actif des masses dans tous les aspects de la société. L’opinion de Luxemburg était que « plus les institutions sont démocratiques, plus le pouls de la vie politique des masses est vivant et fort, et plus directe et complète est leur influence ». En d’autres termes, une démocratie entière comme l’expérience de la Commune de Paris en a fait présager la possibilité. Elle n’était d’accord ni avec les arguments des parlementaires « socialistes » qui voyaient le peuple comme une masse passive de votes, ni avec le centralisme excessif des bolcheviks russes. Rosa aurait été d’accord avec Bertolt Brecht quand il critiqua le secrétaire de l'Union des écrivains est-allemands qui après la révolte des travailleurs de 1953 :
Fit distribuer des tracts dans la Stalinallee
Déclarant que le peuple
Avait perdu la confiance du gouvernement
Et ne pourrait la regagner
Qu’en redoublant d’efforts. Ne serait-il pas plus simple
Dans ce cas pour le gouvernement
De dissoudre le peuple
Et d'en élire un autre ?
Deuxièmement, nous avons remarqué sa confiance pour les masses. Cela est lié avec sa foi en la démocratie, bien que ce soit un aspect distinct. Rosa pensait que les travailleurs sont capables de s’élever au dessus de leurs problèmes et préoccupations du quotidien, pour créer un mouvement réellement révolutionnaire menant à une transformation fondamentale de la société. Alors que d’autres « socialistes » rejettent sur le peuple la responsabilité de leurs propres échecs, Luxemburg avait le sentiment que les masses se montreraient finalement plus avisées que leurs sauveurs auto-proclamés. Sa conclusion, souvent citée, de sa critique de l’organisation du parti russe, écrite avant la première guerre mondiale, mérite d’être rappelée ici : « disons-le sans détours : les erreurs commises par un mouvement ouvrier vraiment révolutionnaire sont historiquement infiniment plus fécondes et plus précieuses que l’infaillibilité du meilleur "comité central". »
Troisièmement, on ne peut que reconnaître l’internationalisme de Rosa Luxemburg. Elle savait que le nationalisme est une illusion dont joue très souvent les réactionnaires. A l’opposé de certains comme Lénine, qui recherchait un « nationalisme progressiste », Luxemburg avait compris que la fierté pour sa propre nation pouvait aisément et fréquemment être manipulée pour engendrer le mépris des autres cultures. Son premier livre, sur la Pologne, a prouvé que la Pologne ne pourrait jamais être véritablement indépendante à cause du manque des bases économiques nécessaires. Cette vision perspicace s’applique à plus d’une nation dans notre ère de globalisation. Cependant, ses opinions étaient loin d’être antipathiques pour les nations et les peuples opprimés par d’autres, car elle pensait que leur véritable salut se trouvait dans la libération internationale, et non nationale. Rosa savait que l’impérialisme n’était pas simplement un choix pour les économies capitalistes avancées, mais plutôt une nécessité économique. En outre, l’impérialisme se poursuit non seulement contre des nations mais aussi contre des catégories à l’intérieur des nations. Pour combattre ces dangers, l’outil approprié est la solidarité internationale. D’une certaine manière, on pourrait dire que les forums sociaux mondiaux sont un projet essentiellement luxemburgiste, en cela qu’ils insistent sur l’internationalisme et la démocratie.
La quatrième composante du luxemburgisme est sa conception du parti révolutionnaire. Comme mentionné précédemment, Rosa Luxemburg était une démocrate convaincue qui avait une grande confiance dans les masses, les gens ordinaires. Comme elle l’a écrit dans Que veut Spartakus ? : nous « ne prendrons jamais le pouvoir sauf en réponse à la volonté claire, sans ambiguïté, de la grande majorité des masses prolétariennes de toute l’Allemagne, jamais sauf par l’affirmation consciente par le prolétariat des opinions, buts et méthodes de lutte de la Ligue Spartakus. » Ces convictions l’ont écarté de la forme ultra centraliste du Parti selon Lénine. Pour elle, le socialisme - le vrai socialisme - ne peut être réalisé que par la mobilisation complète des travailleurs comme acteurs actifs de leur propre libération. Tout en étant intransigeante dans son opposition contre le capitalisme et toutes les formes d’exploitation, Rosa était créative et très éloignée des ronronnements dogmatiques qui ont dominé le communisme européen au cours des décennies suivant sa mort. Le Parti, pour Rosa Luxemburg, ne devait ni se substituer aux masses des travailleurs, ni être une machine électorale utilisant le peuple comme de passifs remplisseurs d’urne. A l’inverse, il s’agissait d’avoir une interaction créative, et évolutive, entre les « dirigeants » et les « militants ».
Le cinquième et dernier principe du « luxemburgisme » dont nous parlerons est l’humanisme. Luxemburg avait la conviction absolue de la dignité humaine comme base morale du socialisme. Elle concevait le socialisme comme étant plus que l’amélioration quantitative de la condition humaine, mais comme une libération des humains du domaine de la nécessité, vers le domaine de la liberté. Alors que pour les dirigeants bourgeois, comme l’ancienne premier ministre britannique Thatcher l’a dit, « la société n’existe pas », Rosa voyait la société comme une œuvre humaine exceptionnelle pouvant transcender les seules nécessités matérielles pour atteindre un accomplissement de l’esprit. Cela ne serait pas imposer au peuple. Luxemburg estimait que les révolutions précédentes dépendaient de la violence précisément parce qu’elles étaient dirigées par et pour des minorités privilégiées. Au contraire, « la révolution prolétarienne n'a nul besoin de la terreur pour réaliser ses objectifs ; elle hait et méprise l'assassinat. Elle n'a pas besoin de ces armes parce qu'elle ne combat pas des individus, mais des institutions […] Ce n'est pas la tentative désespérée d'une minorité pour modeler par la force le monde selon son idéal ».
Ecrivant dans la Die Rote fahne le 18 novembre 1918, Rosa affirmait que la révolution a « un devoir d’honneur ». Cet article soulignait l’aspect humaniste de la révolution et exigeait l’abolition immédiate de la peine de mort. Luxemburg concluait : « L'énergie révolutionnaire la plus constante alliée à l'humanité la plus bienveillante : cela seul est la vraie essence du socialisme. Un monde doit être renversé, mais chaque larme qui aurait pu être évitée est une accusation ; et l'homme qui, se hâtant vers une tâche importante, écrase par inadvertance même un pauvre ver de terre, commet un crime. » Le Socialisme a toujours été pour Rosa la création d’un monde plus ouvert de beauté, de culture et de science pour tous. C’était un objectif noble pour Rosa au 20e siècle, et cela reste un objectif qui vaut la peine pour nous au 21e siècle. Peut-être que maintenant, après l’effondrement du bloc soviétique stalinien, il est temps pour une renaissance du luxemburgisme.
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